Influencia a publié il y a quelques mois un article signé Cristina Alonso, sa rédactrice en chef, intitulé « À force d’immersion, gare à la noyade ». La journaliste se demande, à juste raison, si l’idée d’immersion n’aboutit pas à des exagérations. Et elle prend pour exemple l’expérience menée par les éditions Belfond lors de la sortie du dernier roman d’Harlan Coben, « le maître américain du suspense ».

 

BETC, l’agence de communication de l’éditeur, lui a proposé de créer la première bande musicale d’un roman, à écouter lors de la lecture du livre. Et Cristina Alonso de s’interroger, entre autres, sur la nécessité d’une telle proposition d’immersion.

 

De quelle « immersion » parlons-nous ?

 

L’immersion est effectivement devenue il y a quelques années un mot important du lexique (du jargon ?) du petit communicant. Quand il y a débat, on aime retourner aux sources latines ou grecques et donc interroger les anciens. Comme on pouvait s’y attendre, immerger vient du latin in mergo qui signifie « plonger dans l’eau », mais aussi « engloutir » et « cacher, recouvrir, rendre invisible »…

 

Ces deux dernières étymologies ont donné deux sens figurés au mot immersion : « Passage d’une personne dans un environnement inconnu » et « Fascination, capture du spectateur dans l’atmosphère qu’une œuvre qu’il consulte et dans laquelle il se sent transporté ». Le monde digital a également préempté l’expression, pour qui l’immersion révèle « l’état d’une personne dans un environnement virtuel, généralement de façon volontaire ».

 

La vraie immersion doit susciter le débat

 

En 1994, le château d’Auvers-sur-Oise rouvre ses portes, après 7 ans de travaux de rénovation. L’édifice, construit en 1635, propose un original parcours-spectacle : « Voyage au Temps des Impressionnistes ». Les premiers visiteurs sont surpris : malgré les décors reconstitués, la projection d’œuvres, de paroles ou de musiques, comment peut-on rendre hommage à cette période faste de la peinture sans posséder une seule œuvre ? D’autres se laissent transporter par le parcours et se réjouissent de l’originalité de la proposition.

 

Vingt-quatre ans plus tard, en 2018, l’Atelier des Lumières est créé et propose des expositions immersives monumentales à partir de projections d’œuvres et d’univers sonores et musicaux. Mêmes débats ! Est-ce de l’art, de l’initiation à l’art ou un simple spectacle ? En un quart de siècle, l’immersion continue de provoquer le spectateur et de susciter des avis très variés et donc divergents. Et c’est tant mieux !

 

Sortir son public de sa zone de confort, un objectif essentiel

 

L’étymologie, les définitions actuelles et les deux exemples montrent que l’immersion est d’abord une proposition originale qui cherche à embarquer le spectateur, le visiteur, le participant… dans un univers auquel il n’est pas préparé. Les créateurs de ces moments « extra-ordinaires » offrent littéralement une proposition forte, aboutie, voire jusqu’au-boutiste (« extra ») qui projettent l’invité dans un espace et un moment qui le sortent, peut-être un peu violemment, de son train-train quotidien, de sa zone de confort (de l’« ordinaire »). L’immersion est là et chamboule nos sens. Mais le plus important reste évidemment la manière dont va réagir celle ou celui qui est soumis à ce stimulus exceptionnel. Et là, tous les comportements sont évidemment admis. Dans l’idée de fascination, il y a à la fois une attraction, voire une attirance, mais quelque chose qui paralyse et qui peut se transformer en dégoût.

 

On doit proposer plein de modèles d’immersion

 

La proposition musicale faite autour d’un livre peut attirer et être intéressante. En tous cas, l’offre est alléchante. On peut avoir envie de tenter l’expérience et d’y trouver une vraie expérience. Ou pas d’ailleurs. Car on peut aussi être déçu et revenir à une lecture radicalement simple. Rapportée à la communication et l’événementiel, l’immersion est évidemment une intention nécessaire. À quoi sert mon opération si je n’arrive pas à créer un espace, un message et un moment qui projettent mon audience dans un état de surprise ? À quoi sert mon opération si, à la fin, mon audience n’en ressort pas un peu différente, voire transformée ?

 

L’immersion est un postulat de départ, mais il faut accepter que tout le monde n’y soit pas sensible et ne trouve pas, à travers cette expérience radicale, le support pour vivre une expérience forte.

 

Aux créateurs et aux créatifs de trouver les modèles qui embarquent un maximum de monde…

 

Team GDEV – Mars 2020