Comment passe-t-on de la direction de projets événementiels à l’accompagnement à la prise de parole ?

Dès le début de mon activité événementielle, j’ai toujours préféré les dossiers événementiels à fort contenu corporate. Pendant l’événement, j’ai systématiquement cherché à associer le fond et la forme, avec comme objectif de trouver une cohérence globale. Donc la transition entre la direction de projets et l’accompagnement à la formalisation des messages s’est faite naturellement. Aujourd’hui, me concentrer sur les contenus est vraiment ce que j’aime.

 

Comment définiriez-vous votre rôle ?

Ma mission est de garantir qu’un événement transmette bien les messages prévus, avec le plus d’impact possible. Je fais partie intégrante de l’équipe projet et j’assure la coordination des contenus et leur diffusion vers les publics. J’essaie de guider les intervenants dans la formalisation de leur discours, de les ramener à l’essentiel de leur message et de trouver avec eux une pertinence dans les enchaînements ainsi qu’une cohérence de ton et de rythme. L’objectif est qu’ils trouvent une dynamique d’ensemble et que leur discours crée un impact mémoriel fort sur chaque individu présent. Le public doit se souvenir du ou des messages. C’est évidemment l’ambition de chaque prise de parole.

 

Quelle est la limite dans l’exercice de la prise de parole ?

Le temps ! Les intervenants n’ont pas tous besoin de fournir le même effort pour créer les bonnes conditions de la transmission de leur message. Certains sont tout de suite excellents. Beaucoup auraient besoin de travailler. Une chose est sure, peu d’entre eux y consacrent beaucoup du temps, pris par d’autres priorités…

 

Un dirigeant peut aussi considérer que ce travail en amont est du temps de perdu…

Effectivement. J’entends aussi leurs collaborateurs qui me disent : « Il intervient souvent dans ce genre de rendez-vous, il maîtrise son sujet… ». Si je suis effectivement convaincue par leur capacité à générer des contenus pertinents, il y a quand même souvent un souci de forme. La dynamique et l’emphase sont rarement présentes sans entraînement. Et la transmission impactante d’un message passe non seulement par un fond cohérent, mais aussi par un format qui suscite de l’attention. L’un se nourrit de l’autre. Improviser une prise de parole comprend une vraie part de risque et peut détruire l’impact d’un message. Tous les intervenants doivent en prendre conscience.

 

Y a-t-il un événement que vous avez accompagné et qui vous reste en mémoire ?

Oui. Je pense à l’événement des 150 ans d’une entreprise familiale du Maine-et-Loire spécialisée dans la mesure et la gestion du temps, qui a réuni ses 750 collaborateurs au Puy-du-Fou pour l’occasion. L’événement était conçu et réalisé par Gens d’Événement. Cette entreprise n’avait pas de culture événementielle et pas de volonté de « se montrer » ce qui explique que je ne la cite pas aujourd’hui J. Les jeunes patrons étaient vierges de toute influence ou idée reçue sur ce type d’exercice. Au-delà de l’anniversaire, ils avaient des messages stratégiques forts à transmettre. En les accompagnant, nous les avons emmenés assez loin : ils se sont transformés en acteurs de théâtre, dans des scènes très rythmées, où ils donnaient la réplique à de vrais acteurs ou à des acteurs amateurs, collaborateurs de l’entreprise. Pour moi, l’exercice a été très intéressant. Ils se sont laissé guider pour un résultat qu’ils ont beaucoup apprécié. Nous leur avons fait, je pense, parcourir un chemin important dans la relation qu’ils entretiennent avec leurs collaborateurs.

 

Au-delà de cet exemple, quelles tendances observez-vous ?

Même s’ils sont de moins en moins disponibles, les clients sont tout de même de plus en plus exigeants sur les formats, sur le niveau de leur prise de parole. Autre tendance, les grands patrons laissent davantage la parole à leurs managers. Le discours de ces derniers est plus incarné, plus ancré dans la réalité, dans le concret. C’est davantage un discours de preuve, de vérité, qui apporte plus de pertinence, plus de crédibilité. Et plus d’écoute et d’attention aussi, car l’objectif reste évidemment l’appropriation des messages par le public. Enfin, les longues prises de parole du grand patron ou des membres du Comex qui durent et qui durent et qui durent… se raréfient. Heureusement. On cherche aussi à davantage raconter, mettre en scène les discours, à leur donner plus de dynamique, plus de rythme. On essaie sans arrêt de casser les codes. Le format TedX a par exemple bouleversé la manière de faire.

 

Quel rêve portez-vous pour demain ?

En fait, je crois que je fais ce métier, car j’adore la puissance que le live apporte à un message et l’émotion qu’il peut générer. C’est dans cette optique que les événements doivent devenir de plus en plus collaboratifs. Chacun doit apporter son contenu, participer et contribuer à l’émergence des messages. Et on les fait porter par tout le monde, pas seulement par les dirigeants. Peut-être que la grande tendance de demain se situe autour du concept de « participant augmenté ». Grâce au digital, chacun a alors ses propres ressources à portée de main et peut nourrir la réflexion collaborative. Mais chacun doit aussi quitter l’événement en s’étant approprié le message. Et la démarche collaborative peut optimiser son appropriation.

 

Interview réalisée par Lionel Malard – Septembre 2019